Stratégie vaccinale contre l'hépatite B : données actuelles.

Une attitude prudente :

La vaccination anti hépatite B est actuellement très controversée à cause d'un doute sur le lien possible entre des premières atteintes démyélinisantes centrales (PADC) et cette vaccination.

Pour tenter de trouver une attitude logique, je crois qu'il faut tenir compte des mises en garde qui ont pu être avancées, sans tomber non plus, dans la paranoïa. La France médicale est partagée entre le syndrome "sang contaminé" et le syndrome "Tchernobyl", la crainte de l'aléas thérapeutique aboutissant au principe de précaution maximum, et la crainte du "circulez y a rien à voir" organisé par les autorités. On peut craindre également que le lobby anti vaccination, toujours à l'affut, ne s'empare du sujet et ne fasse marcher son œuvre de désinformation.

Les études :

En ce qui concerne le lien entre vaccin anti HB et les PADC (premier accès démyélinisant central), rappelons qu'il n'est pas actuellement établi, mais qu'aucunes des études cas-témoins réalisées dans le monde (le problème est très franco-français, mais il existe des études américano-canadiennes et une des études françaises a été faite sur une base de donnée anglaise) n'a pu éliminer formellement ce lien.

Une étude dites capture-recapture (consistant à recouper les cas de 3 bases de données différentes) a mis en doute les résultats des études cas-témoins en montrant que les cas de PADC avaient été sous-estimés d'un ordre de grandeur de 50% en 98. (vous trouverez toutes ces études en format pdf sur : http://agmed.sante.gouv.fr/fr/pdf/6/vhbrap.pdf )

C'est à partir de ces données 98 qu'une étude bénéfice / risque du vaccin a été effectuée, partant d'une hypothèse (non prouvée) : il existe un lien entre vaccin et PADC. Cette étude montre que le bénéfice reste important en faveur du vaccin même dans cette hypothèse, mais que le nombre de PADC augmente avec l'âge et qu'il vaut mieux vacciner avant 6 ans, se méfier à l'entrée au collège, éviter chez l'adulte.

( Cf le Bulletin épidémiologique hebdomadaire : http://www.rnsp-sante.fr/beh/1999/9909/index.html )

Certaines données récentes, comme un taux de sous-déclaration de PADC encore plus important que les estimations admises en 98, remettent en cause le résultats des études cas-témoins. Une méta-analyse de la situation est attendue pour l'été 2000 et permettra peut-être d'y voir plus clair, et surtout d'affirmer ou d'infirmer le lien entre vaccin et PADC.

En attendant, c'est d'après ces études de 98 que Bernard Kouchner a pris ses décisions en appliquant le principe de précaution cher aux français, alors que les anglo-saxons estiment que tant qu'il n'est pas prouvé qu'il y a plus de PADC que de cas de DC par hépatite B évités par le vaccin, ils continuent de vacciner.

Quelle attitude pratique :

Pour le détail je vous renvoie au BEH : http://www.rnsp-sante.fr/beh/1998/9831/index.html

En résumé :

Schéma vaccinal

• Schéma vaccinal à 3 doses dans tous les cas : 0-1-6 mois (abandon du schéma à 4 injections)
• Chez l'enfant :
  • Chez le nourrisson de mère non contaminée : D1 et D2(associable avec le pentavalent), D3 (associable avec le ROR)
  • Chez le nourrisson de mère contaminée par le VHB : D1 à la naissance, D2 à 1 mois, D3 à 6 mois.
  • Chez l'enfant et l'adolescent : schéma classique. (Depuis 98 : contre-indication si antécédent perso ou familial de PADC dont en premier lieu la SEP)
• Chez l'adulte :
  • Schéma classique à 3 doses chez l'adulte soumis à obligation vaccinale ou sujet à risque.
  • Si la primo-vaccination a été faite avant 25 ans : pas de rappel à prévoir
  • Si la primo-vaccination a été faite après 25 ans et uniquement chez les professionnels assujettis à l'obligation vaccinale : l'injection de rappel (D3) est suivi d'un contrôle de l'immunisation 1 à 2 mois après. Si Ac anti HBs>10 pas d'autre rappel, si <10 à discuter.

Sujets soumis à obligation vaccinale ou à risque :

• 1°) Personnels des établissements de soin et de prévention au contact du public ou de produits contaminés.
• 2°)Professionnels ou bénévoles susceptibles d'être en contact avec les patients ou des produits contaminés (Professionnels de santé libéraux, pompiers, secouristes, gardiens de prisons, éboueurs, égoutiers, policiers) (y compris vos sécrétaires et femmes de ménage !).
• 3°)Nouveaux nés de mère porteuse de l'Ag HBs, toxicomanes par voie parentérale, enfants dans des services d'handicapés, enfants et adultes en institution psychiatrique, enfants pré-scolaires accueillis en collectivité, patients risquant d'être transfusés, entourage ou partenaire sexuel d'un sujet infecté ou porteur chronique, nomadisme sexuel. Pour les voyageurs ou les résidents en zone de moyenne ou forte endémie : risque à évaluer.

La stratégie vaccinale

Il faut distinguer prévention collective et prévention individuelle.

• Sur le plan collectif :
  • l'OMS s'est donné pour but d'éradiquer l'HB et veut que chaque pays applique une politique vaccinale systématique sur des tranches d'âges suffisantes pour "couper" la transmission (essentiellement sexuelle). En effet les politiques vaccinales "ciblées" n'ont pas montré d'efficacité. D'où l'idée de départ de vacciner systématiquement à l'entrée en classe de 6 ème. Mais le nombre inquiétant de PADC déclaré à la pharmaco-vigilance à fait surseoir à cette politique en 98 en refilant la patate chaude aux libéraux qui doivent voir au cas par cas.
  • Une incitation forte à la vaccination du NN chez qui il n'y a pas de problème de PADC a du mal à porter ses fruits, car arrive à un moment où le NN a peu de risque! Et pourtant c'est le plus logique et c'est ce qui est recommandé.
  • Quant à l'adulte il est hors course vu les PADC possibles et le principe de précaution.
• Sur le plan individuel : le doute sur le liens vaccin / PADC doit faire évaluer le bénéfice / risque.

Dr. René JARROUSSE