L’HYPERTROPHIE BENIGNE DE LA PROSTATE

Dr Samir DIBBO - CH Ploërmel service d'urologie - FMC du 19 mai 2005

1- RAPPEL ANATOMIQUE ET ANATOMOPATHOLOGIQUE

La prostate est une glande sexuelle constituée

Elle a une forme de POIRE inversée dont le centre serait l'urètre prostatique.

La prostate participe par ses sécrétions à la constitution du liquide séminal, mais elle n'a pas de fonction hormonale endocrine masculine.

Elle participe par sa position anatomique à la fonction de continence chez l'homme.

Elle est traversée de part en part de la base vers l'apex par l'urètre prostatique depuis le col vésical jusqu'au plancher périnéal.

Sur la face postérieure de l'urètre prostatique se trouve le veru montanum où aboutissent les canaux éjaculateurs.

L'anatomie prostatique différencie au sein du parenchyme prostatique 4 zones distinctes :

Ø       une zone dite périphérique. Cette zone est celle que l'on palpe lors du toucher rectal. C'est dans cette zone que prennent naissance 70% des cancers de la prostate.

Ø       une zone dite centrale incluse dans la précédente entourant les canaux éjaculateurs. Elle représente 25% du tissu glandulaire.

Ø       une zone dite transitionnelle. C'est dans cette zone que se développe l'hypertrophie bénigne de la prostate mais également 25% des cancers prostatiques.

Ø       une zone fibromusculaire antérieure dépourvue de glandes.

Du point de vue anatomopathologique, l'hypertrophie désigne l'élément macroscopique et palpable final résultant de l'hyperplasie à l'origine de la formation de cette tumeur bénigne qui touche à la fois le tissu glandulaire (adénome), musculaire (myome) et conjonctif (fibrome).

La prostate augmente progressivement avec l'âge.

Elle croît en développant une hypertrophie bénigne communément appelée "adénome".

Son poids est variable de 10 à 300 grammes environ.

L'adénome peut être bi ou trilobé quand un lobe médian se développe également.

2- DONNEES GENERALES

A/ Epidémiologie et histoire naturelle

L'incidence de l'HBP augmente avec l'âge et devient assez fréquente à partir de 50 ans. Elle commence son développement chez les hommes de 30 ans et touche pratiquement la totalité des hommes au-delà de 80 ans.

Elle concerne et touche davantage les européens que les asiatiques.

Elle est d'étiologie mal connue mais sous dépendance androgénique vraisemblable. Il est à noter qu'il n'est pas observé d'HBP chez les hommes castrés.

Par ailleurs, les hommes porteurs d'un déficit congénital en 5 alpharéductase (enzyme convertissant la testostérone en DHT) ne développent jamais d'HBP, car le métabolite actif de la testostérone au sein de la cellule prostatique et qui participe directement au développement de l'HBP est la 5 dihydrotestostérone.

Le développement naturel de la prostate au cours du vieillissement masculin est continu avec 2 phases plus marquées de développement accéléré :

Ø       phase pubertaire au cours de laquelle la croissance du volume prostatique est importante passant du stade infantile au stade de glande prostatique constituée participant à la fécondité et à la vie sexuelle.

Ø       un développement continu de l'HBP à partir de 30 ans entraînant une augmentation progressive du volume de la glande et des modifications de sa forme.

B/ Physiopathologie

Après les précisions anatomopathologiques récentes et les dernières conférences de consensus le terme d'adénome de prostate doit être abandonné au profit de celui d'hypertrophie bénigne de la prostate ou HBP.

L'hyperplasie désigne un mécanisme cellulaire d'augmentation du nombre des cellules prostatiques, l'hypertrophie désigne une augmentation du volume de la glande.

Il est recommandé de ne parler que de 2 groupes de symptomes du bas appareil urinaire :

v     les symptômes dits de "stockage" liés à la période intermictionnelle

v     les symptômes dits de "vidange" liés directement à la miction

Un certain nombre de patients porteurs d'une HBP de volume important ne présentent aucun symptôme clinique car il n'existe pas de parallélisme anatomoclinique entre le volume de la glande et l'intensité des troubles mictionnels.

Le retentissement sur l'appareil urinaire s'explique par l'augmentation du travail vésical nécessaire à la vidange vésicale mais aussi par des modifications neurologiques et par le vieillissement vésical lui-même.

Quatre phases du retentissement d'un HBP sur l'appareil vésico-sphinctérien ont été décrites :

Ø       Phase de lutte avec dysurie clinique

Ø        Phase de rétention vésicale chronique avec apparition d'un résidu et hypertrophie du détrusor

Ø        Phase de distension vésicale avec amincissement progressif du muscle vésical et perte de contractilité

Ø        Phase de distension du haut appareil avec retentissement sur la fonction rénale

La découverte de plus en plus précoce de l'HBP a fait disparaître ce tableau d'insuffisance rénale chronique par distension

3) CLINIQUE DANS L'H.B.P.

A/ Interrogatoire

L'interrogatoire permet l'analyse du retentissement d'un obstacle prostatique éventuel sur le comportement vésicosphinctérien du patient.

Il recherche les symptômes qu'il pourrait omettre et précise notamment les symptômes allégués par le patient. Enfin, il précise la gêne que ressent ce patient dans sa vie quotidienne.

Il doit préciser les antécédents urologiques et notamment urétroprostatiques, infectieux et chirurgicaux généraux. La notion de prise médicamenteuse pour d'autres pathologies pouvant interférer avec les symptômes urinaires.

Ø       traitements diurétiques

Ø      traitement parasympatholytique réduisant la contractilité vésicale

Ø       traitement sympathomimétique augmentant le tonus sympathique du col vésical

L'interrogatoire doit rechercher toute modification récente des habitudes urinaires diurnes et nocturnes du patient et doit dépister des symptômes d'évolution très lente auxquels les patients ne portent pas attention.

1)      Motif de la consultation

Les problèmes irritatifs sont les principaux pourvoyeurs de la consultation.

Parfois la difficulté d'émettre les urines avec un jet plus lent et moins puissant.

Ils peuvent également décrire un jet fractionné, des gouttes retardataires enfin une sensation de vidange vésicale incomplète.

2) Signes de "stockage"

Ensemble des symptômes liés à la phase intermictionnelle. Ils sont responsables du syndrome irritatif, représenté essentiellement par :

3) Signes de « vidange »

Ensemble des symptômes liés à la phase permictionnelle. Ils sont responsables du syndrome obstructif.

Le symptôme principal est la dysurie.

Elle correspond à une miction qui démarre avec retard et nécessitant une poussée abdominale.

Le patient décrit une diminution de la force et de la puissance de son jet urinaire.

La sensation d'un résidu post mictionnel, parfois signalé par la nécessité d'une 2ème miction.

4) Scores symptomatiques

IPSS (International Prostatic Score Symptom) consiste en 7 questions concernant les caractéristiques de la miction et en une 8ème qui concerne la qualité de vie liée aux symptômes urinaires.

B/ Examen Clinique

1) Toucher rectal

2) Examen clinique

4) EXPLORATIONS COMPLEMENTAIRES

Le but est

A/ Examens biologiques

v      BU +/- ECBU

v      créatininémie

v      PSA

B/ Débimétrie

Le seul examen urodynamique nécessaire dans le cadre d'une HBP.

Il s'agit d'un témoin de la dysurie.

C/ Echographie

L'échographie vésicale post mictionnelle mesure le volume du résidu post mictionnel.

En prémictionnel, l'échographie permet de rechercher une vessie de lutte avec épaississement du détrusor et ou des diverticules. Elle nous prévient de l'existence d'un lobe médian, d'un calcul vésical ou d'une lésion associée.

L'échographie rénale est nécessaire pour éliminer tout retentissement rénal secondaire à l'obstacle se traduisant par une dilatation des cavités pyélocalicielles et urétrales, mais également la découverte d'une lésion rénale.

L'échographie prostatique réalisée par voie endorectale apprécie le volume prostatique, une asymétrie de taille des glandes séminales et la présence d'un lobe médian.

D/ Radiologie

  1. 1)      UIV
  2. 2) Urétrocystographie rétrograde et mictionnelle
  3. 3) Cystoscopie

5) SITUATIONS PARTICULIERES

A/ Rétention aiguë d'urine

Peut apparaître chez un patient porteur d'une HBP de façon spontanée et totalement imprévisible.

B/ Prostatite aiguë

C/ HBP et hématurie

Provient d'une hyperhémie de la muqueuse de l'urètre prostatique fragilisée au moment de la miction par des lésions de "jet".

D/ Calculs vésicaux

E/ Rétention chronique

Incontinence par regorgement.

F/ HBP et pathologies associées

Problèmes neurologiques et HBP.

Parkinson, sclérose en plaque, traumatisme médullaire (para ou tétraplégique), diabète, peuvent être à l'origine de troubles mictionnels.

Des prises médicamenteuses peuvent également interférer avec les symptômes du bas appareil, en ORL la prise de médicaments à action Alpha mimétique peut amener à une décompensation de l'obstacle sous forme de rétention aiguë ou de dysurie majeure.

La mise en route d'un traitement parasympathicolytique pour trouble irritatif peut entraîner une dysémie par diminution de la contractilité vésicale et pouvant aller jusqu'à la R.A. d'urine.

TRAITEMENT DE L’H.B.P.

Objectifs du traitement

Ø       soulager le patient des ses troubles mictionnels invalidants (levers nocturnes, impériosités)

Ø       prévenir du risque de complications de la maladie et des traitements

Ø       toute HBP ne nécessite pas un traitement

A/ Traitement médical

Après avoir corrigé les règles hygiéno-diététiques plusieurs thérapies peuvent être proposées. Leur efficacité peut être suivie par l'interrogatoire. Enfin, il faut signaler l'importance de l'effet placebo dans cette pathologie.

1) Règles hygiéno-diététiques

2) Traitement médicamenteux

Ø       phytothérapie

Effet décongestif et anti-oedémateux. Pas de C.I. et bonne tolérance dans l'ensemble.

Ø       alpha-bloquants

Agissent en relâchant le col vésical, le muscle lisse urétral et la capsule prostatique et en inhibant l'hyperactivité du détrusor. Ils agissent sur la composante fonctionnelle de l'obstruction et pas sur la taille de l'adénome.

L'effet clinique est rapide dès la première prise.

On en distingue :

Il existe des C.I. spécifiquement dans l'hypotension orthostatique, l'hypersensibilité au médicament, et l'insuffisance hépatique sévère.

Existent également des effets secondaires : Hypotension artérielle, nausées, vertiges, bouffées vasomotrices et pour certains une éjaculation rétrograde, voire une impuissance.

Ø       inhibiteurs de la 5-alpha réductase.

Inhibent spécifiquement la 5-alpha réductase. Cette enzyme strictement localisée dans la prostate permet la transformation de la testostérone en dihydrotestostérone. L'objectif de ce traitement est de diminuer le volume prostatique limitant ainsi l'obstruction. L’effet de ce traitement nécessite plusieurs semaines

On en distingue :

v      FINASTERIDE (CHIBROPROSCAR)

v      DUTASTERIDE (AVODART)

Contre-indications:

Les contre-indications résident essentiellement dans l'hypersensibilité à ce médicament. Quant aux effets secondaires, ils comprennent l'impuissance, la baisse de la libido, diminution de l'éjaculat, diminution du taux de P.S.A.

Par conséquent, il n'y a pas de guérison avec le traitement médical. Seuls les symptômes sont améliorés.

Il n'existe pas d'argument convaincant pour choisir une classe thérapeutique plutôt qu'une autre.

B/ Traitement chirurgical

Ø       Indications

Ø       Traitements chirurgicaux actuellement reconnus

v     R.T.U.P.

Durée d'hospitalisation :                                           3 à 6 jours

Effets secondaires :                éjaculation rétrograde

Mortalité :     0,2 à 2 % liée à des problèmes cardiovasculaires

Les causes de morbidité et leur fréquence :

v      Adénoméctomie chirurgicale

v      Incision cervico-prostatique

Ø      Traitements en cours d’évaluation

Thermothérapie

Laser prostate

Ultrasons, cryothérapie, dilatation au ballonnement

Ø      En cas de contre-indication à la chirurgie

Prothèse endo-urétrale

sonde vésicale à demeure

C/ Traitement des complications

1) Prostatite Aiguë

2) Rétention Aiguë d'urine

urgence thérapeutique

3) Distension vésicale