Quand et comment réaliser un traitement hormonal substitutif
de la ménopause (THM) ?
FMC de Juin 2006 par le P.POULAIN, CHU RENNES
INTRODUCTION
- en France, > 10 millions de femmes sont ménopausées
- en 2025, @ 50% des femmes françaises seront ménopausées
- 1 femme / 2 = aucun ou peu de symptôme
- conduit 1 fois sur 3 à une ostéopénie.
- en France, environ 30% des femmes ménopausées
- THM pendant au moins une année.
INTERETS DU TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF A LA MENOPAUSE (THM)
À court terme = traitement des troubles fonctionnels (bouffées
de chaleur, sudations nocturnes, sécheresse vaginale,…)
- correction de la carence oestrogénique.
- => motif principal de demande de traitement :
- THM rapidement efficace sur les bouffées de chaleur dans
presque 100% des cas.
prévention des troubles trophiques (peau, muqueuses)
- non négligeable = une des motivations importantes
- le « vieillissement » de la peau nettement ralentis
par le THM
- la trophicité vulvo-vaginale est très influencée
:
- en particulier disparition de la sécheresse vaginale
- retentissement sur la qualité de vie de couple,
- diminution des symptômes urinaires (cystalgies à urines
claires, troubles mictionnels)
installation de la ménopause => une augmentation de la perte osseuse
- THM = arrêt ou ralentissement de la déperdition osseuse (action
anti-ostéoclastique puissante)
- particulièrement net la 1ère année du traitement.
- perte osseuse à nouveau augmentée après l’arrêt
du traitement.
- femmes ayant un déficit constitutionnel du capital osseux
- => ostéopénie => ostéoporose (fractures-
tassements).
- THM à doses suffisantes diminue ce risque,
- effet persistant moins de 5 ans après l’arrêt.
- THM => action de prévention de l’ostéoporose,
démontrée en clinique,
- diminution des tassements
vertébraux
et fractures du col du fémur.
réduction du risque de cancer du côlon
- = documentée,
- reste discutée pour les œstrogènes seuls.
risque de cancer de l’endomètre
- initialement décrit sous estrogènes seuls,
- a disparu du fait de l’action protectrice de l’association à un
progestatif ou à la progestérone naturelle.
CONTROVERSE SUR LE RISQUE DE CANCER
DU SEIN ET LA PREVENTION CARDIO-VASCULAIRE
3 risques principaux :
- cancer du sein,
- infarctus du myocarde
- accident vasculaire cérébral
Risque de cancer du sein
- études initiales :
- utilisation prolongée (>7 ans) association E-P de synthèse
- augmentation du risque de K du sein (x 1,2 à 1,7)
- 3-6% des K du sein seraient liés au THM (40 à 65 ans)
- l’apport des progestatifs semble déterminant
:
- patientes recevant uniquement des E = pas de sur-risque.
- étude E3N (2005)
- association 17β estradiol-progestérone naturelle micronisée
- ne majore pas le risque de K du sein après une durée
de 5 ans
- Pour les P de synthèse :
- impossible de préciser le type de progestatifs en cause : dydrogestérone,
pregnanes, norpregnanes ?
- ETUDE E3N ( A. FOURNIER et col. Int J Cancer 2005,
114 )
- étude prospective de cohorte française
- 100.000 femmes MGEN âgées de 40 à 65 ans
- plusieurs types de THM
- risque de K du sein sous THM : RR 1,2 (95% IC 1,1-1,4)
- pas d’impact sous estrogènes seuls RR 1,1 NS
- estrogènes + progestatif oral (P ou progestatif) RR 1,3 (1,1-1,5)
- pas d’ augmentation significative sous estrogènes
+ progestérone
micronisée RR 0,9 (0,7-1,2)
- augmentation significative sous estrogènes +
progestatif synthétique
RR 1,5 (1,2-1,7)
- pas d’effet « durée » avec
les estrogènes
par voie cutanée
- net « effet durée » estrogènes oraux
+ P synthétiques
- mériterait d’être confirmée par
des essais contrôlés
- Le sur-risque de cancer du sein
est démontré,
- lié à la durée
du traitement et au type de traitement.
- L’utilisation seule du
17β estradiol (femmes
hystérectomisées)
- ou l’association à la progestérone naturelle
micronisée
- ne présente pas cette
majoration du risque.
- L’étude pour chaque
type de progestatif est en cours.
Risque cardio-vasculaire
- prise continue de 0,625 mg d’œstrogènes conjugués équins
(Prémarin) et de 2,5 mg d’acétate de médroxyprogestérone
- => sur-risque CV (femmes ménopausées > 10 ans)
- idem pour les autres associations œstro-progestatives.
- femmes avec atcd CV => surmorbidité coronarienne après
1 an
- femmes sans atcd : augmentatioin du risque vasculaire artériel
et veineux
- 2-6% infarctus du myocarde liés au THM (femmes 40-65 ans)
- accidents majoritairement entre 0 et 5 ans d’utilisation
- 6-13% AVC accidents ischémiques liés au THM (40 à 65
ans)
- accidents majoritairement entre 1 et 5 ans d’utilisation
- pas d’effet protecteur sur les maladies cardio-vasculaires.
- en cas de haut risque CV, le THM est contre-indiqué.
- en cas de risque modéré (hypertension,
hypercholestérolémie,
tabagisme, surpoids)
- pas une contre-indication absolue au THM,
- à condition d’une
prise en charge des facteurs de risque.
FIN de la CONTROVERSE ?
Le rapport bénéfice-risque devient défavorable du
fait de l’augmentation du risque CV et du risque de cancer du
sein, malgré l’efficacité avérée dans
la prévention
de l’ostéoporose et du cancer colique.
Les risques observés = corrélés à la durée
du traitement
- les bénéfices à court terme ne sont pas remis en
cause
- l’indication
validée = traitement des Σ de la carence en E, troubles vasomoteurs.
- rechercher
la dose minimale efficace.
La durée du traitement est très discutée :
- l’AFSSAPS recommande le traitement le + court possible (selon la persistance
ou non des symptômes)
- et d’une durée maximale de 5 ans.
PRINCIPES DU TRAITEMENT :
UNE ASSOCIATION ŒSTRO-PROGESTATIVE
œstrogène + progestatif au moins
12 jours par mois.
- Le progestatif est associé pour contrebalancer le surcroît d’hyperplasie
et cancers de l’endomètre constaté en cas de prescription
d’œstrogènes seuls.
- molécules et formes utilisées extrêmement
nombreuse
œstrogènes => quasi-exclusivement
le 17β-estradiol
- pris quotidiennement
- soit sous forme de comprimés (1 à 2 mg/j),
- application d’un gel cutané (1,5 mg/j),
- anneau vaginal ou pulvérisations nasales
- dispositifs transdermiques (« patch » dosés à 25,
50 ou 75 μg/24
heures) changés 1 à 2 fois par semaine selon les présentations.
- posologie
adaptée en fonction de la tolérance clinique.
Progestatifs ?
- sous couvert de nouvelles données scientifiques, pratiquement limité à la
seule progestérone naturelle (progestérone micronisée :
Utrogestan et génériques).
- seule présentation => efficacité identique (endomètre)
- sans augmentation du risque de K du sein.
- Il est possible que des progestatifs de type pregnanes ou norpregnanes
soit proches de la progestérone naturelle,
- les preuves scientifiques => pas actuellement suffisantes (étude
prospective MISSION en cours).
Le THM doit être
- le plus proche possible d’un apport hormonal naturel :
- privilégier 17β estradiol
et progestérone
naturelle
- prescrire la dose minimale efficace.
plusieurs schémas d’administration :
- séquentiel discontinu (avec règles),
- séquentiel continu (avec règles mais sans arrêt de l’apport
d’estrogène),
- combiné continu (sans règles).
17β estradiol |
J1 =========================== |
J 25 REGLES |
Progestérone |
|
J12================ |
J 25 |
|
|
|
|
17β estradiol |
J1 ==================================== J 31 |
Progestérone |
|
J12================ |
J 25 REGLES |
|
|
|
|
17β estradiol |
J1 ==================================== J 31 |
Progestérone |
J1 ==================================== J 31 |
Cas particuliers
- Les patientes ayant
subit une hystérectomie totale
ne reçoivent que le 17β estradiol.
- THM à la suite d’une castration chirurgicale,
- => ménopause précoce (< 40 ans) ou en cas d’impubérisme
- risque important d’ostéoporose en l’absence de THM
- durée du THM ?
DES MODALITES DE PRESCRIPTION ET DE SURVEILLANCE DICTÉES
PAR L’AFSSAPS.
- dictées par les recommandations de l’AFSSAPS (2005) et les données
scientifiques récentes (étude
E3N).
- peuvent évoluer dans les prochaines années en fonction
des nouvelles données cliniques disponibles
- indications limitées aux femmes ménopausées
présentant soit
- 1- des signes fonctionnels
- 2- des facteurs de risque d’ostéoporose sans
possibilité d’un autre type de traitement osseux.
QUAND TRAITER ?
- en aucun cas avant l’installation confirmée de la ménopause
cad avant l’arrêt complet des règles.
- de simples bouffées de chaleur occasionnelles => déficit
transitoire en œstrogène puis… reprise
ovulatoire.
- mise en route précipitée du THM = triple inconvénient
- expose la femme à une grossesse (non contraceptif)
- expose la femme à un surdosage
- réduit les possibilités d’un THM sur une durée
optimale.
- Il est fondamental de s’assurer de la réalité de
la ménopause avant d’initier un THM….
- des grossesses sous THM ont été constatées... les
conséquences sont dramatiques.
THM peut être indiqué
- dans la prévention de l’ostéoporose post-ménopausique
si des facteurs de risque d’ostéoporose sont identifiés
- (ménopause précoce, atcd personnel ou familial de fractures
sans traumatisme, corticothérapie prolongée, tabagisme ou alcoolisme,
- déficit en calcium ou en vitamine D, sédentarité)
- ou ostéodensitométrie osseuse si ostéopénie
(T score <-1)
- en cas de T score <-2,5
- biphosphonates et raloxifène indiqués en 1ère
intention,
- THM indiqué en cas d’intolérance à ces
2 traitements.
- THM débuté sans inconvénient quelques années
après l’installation de la ménopause en respectant toutes
les précautions
1- THM indiqué en cas de symptômes gênants
- bouffées de chaleur, sécheresse vaginale…
- => femme ménopausée avec certitude (arrêt
des règles).
-2- en cas de facteur de risque
d’ostéoporose, conseiller la patiente
- arrêt du tabac ou de l’alcool, augmentation
de l’activité physique…,
- apport calcique et de vitamine D,
- et en cas de mauvaise tolérance des autres traitements
préventifs de l’ostéoporose.
sans trouble fonctionnel, sans facteur de risque
d’ostéoporose, le THM ne doit pas être prescrit de manière systématique décidé au cas par cas, en fonction des souhaits de la femme
après information sur les bénéfices
et risques potentiels.
respect des contre-indications :
- cancer du sein connu ou suspecté,
- antécédent de cancer de l’endomètre,
- hémorragie génitale sans diagnostic établi,
- accident thrombo-embolique artériel ou veineux récent ou en évolution,
- affection hépatique aigue ou chronique…
explorationscliniques
- prise de la tension artérielle,
- examen gynécologique complet dont examen des seins
explorations paracliniques
- mammographie avant de débuter le traitement,
- bilan lipidique et glycémie à jeun ;
Institution du traitement
- association de progestérone naturelle (micronisée,
par voie orale) et 17β estradiol (préférentiellement
par voie per-cutanée)
- en utilisant la dose la plus faible possible
- et pour la durée la plus courte possible.
adaptation des doses => rendez-vous après 3-4
mois
- sous dosage : persistances des bouffées de chaleur ou de la
sécheresse
vaginale
- surdosage : seins douloureux, métrorragies, gonflements, prise
de poids
- la voie d’administration peut être modifiée
- selon le
désir de la patiente après son expérience initiale
Surveillance clinique ultérieure au moins annuelle
- mammographie et bilan glucido-lipidique
- doivent être contrôlés tous les 2 ans
Quelle durée de traitement ?
- L’AFSSAPS recommande ….traitement le + court possible
- et …durée maximale de 5 ans.
- au-delà => sur-risque
significatif bien que faible.
l’AFSSAPS indique que le THM
« peut être instauré si la patiente le souhaite, à la
dose minimale efficace, et ce, tant que durent les symptômes ».
=> dialogue avec la patiente et son médecin,
- à condition d’une information complète,
- déterminer la poursuite ou non du traitement.
Y a t’il une alternative au THM ?
les phyto-œstrogènes (PE) :
- substances d’origine végétales
- structure s’apparente à celle des œstrogènes.
- = isoflavones (soja et dérivés, pois chiches, lentilles,
fèves,
haricots…),
- = lignanes (graines de céréales, céleris, pamplemousse…)
- = coumestans (pousses de soja).
- effet sur les bouffées de chaleur = vraisemblable, très
variable
- sur l’os : résultats trop discordants, non
utilisable en prévention
de l’ostéoporose chez la femme ménopausée.
- sur le
risque de K du sein, impossible de conclure => prudence si K du sein.
ne pas considérer, actuellement que les PE sont une alternative
au THM.
POUR EN SAVOIR PLUS
- site de l’AFSSAPS : www.afssaps.sante.fr
- rapport d’orientation 11/05/2004
- rapport sur l’utilisation du THM en France, sept 2005
- communiqué du 13 octobre 2005.
- FOURNIER A, BERRINO F, RIBOLI E,
AVENEL V, CLAVEL-CHAPELON F : Breast
cancer risk in relation to different types of hormone replacement therapy in
the E3N-EPIC cohort. Int J Cancer 2005, 114 (3) : 448-54.
- LOPES P,
LESUR A, TREMOLLIERES F : La publication de l’étude
française E3N va-t-elle modifier la prescription du traitement hormonal
substitutif de la ménopause ? J Gynecol Obstet Biol Reprod 2005