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EPU du 19 septembre 2000 par le Docteur FAYLER anesthésiste à la Clinique des Augustines de Malestroit
Un constat s'impose, l'anesthésiste réanimateur a peu de contacts professionnels avec le médecin généraliste principal acteur de santé en France. La consultation d'anesthésie, désormais rendue obligatoire par le décret sur la sécurité en anesthésie du 5 décembre 1994, est une opportunité où la collaboration étroite entre le médecin traitant et le spécialiste en anesthésie réanimation doit contribuer à améliorer la qualité et la sécurité de l'acte anesthésique.
Si le rôle de la consultation chirurgicale semble clair, celui de la consultation anesthésique reste cependant plus confus dans l'esprit des patients et chez certains confrères. Or c'est une étape capitale pour le futur opéré, elle va servir à planifier la technique anesthésique la plus adaptée à la réalisation de l'acte chirurgical tout en préservant la sécurité du patient au cours de cet acte.
C'est ce souci de sécurité qui a conduit à la réalisation de nombreuses études sur la mortalité liée à l'anesthésie. Ces études ont permis d'identifier un certain nombre de "morts indues" liées à des complications évitables de l'acte anesthésique. En effet la mortalité au bloc opératoire peut être réduite par :
- un environnement technique de qualité
- la présence de personnel qualifié
- une planification des difficultés anesthésiques.
Ces difficultés anesthésiques, ainsi que certaines complications post opératoires peuvent être déterminées à l'avance par une évaluation préalable rigoureuse. Ces conclusions ont conduit à l'élaboration d'un cadre réglementaire définissant le déroulement de l'anesthésie et en particulier l'organisation de la consultation d'anesthésie.
On désigne par accident d'anesthésie une complication directement liée à l'acte anesthésique en dehors de toute pathologie préexistante.
- l'accès aux voies aériennes supérieures = dépistage de l'intubation difficile
L'anesthésie générale qui reste la technique la plus employée induit en même temps que la perte de conscience une dépression respiratoire voie une apnée complète. La ventilation doit donc être assistée ou contrôlée et pour cela l'intubation trachéale est en général nécessaire.
Les accidents graves sont dus pour la plupart à une ventilation inadaptée ou un défaut de contrôle des voies aériennes, ce qui représente (cf. tableau 1) la première cause de morbidité et mortalité anesthésique. Or dans 15 à 30 % l'intubation difficile n'avait pas été prévue. Ces complications conduisant à la mort ou de des séquelles neurologiques post-anoxiques.
Causes |
Nombre |
% du total ; n = 2046 |
---|---|---|
Respiratoire
|
762
|
37
|
Accidents liés à l'équipement |
191 |
9 |
Cardiovasculaire |
123 |
6 |
Erreur de drogue ou de dose |
84 |
4 |
tableau 1 : Principales causes des accidents liés à l'anesthésie (ASA Closed Claims Study, 1991)
La prédiction d'une intubation difficile doit donc être l'obsession de l'anesthésiste réanimateur, c'est le préalable indispensable à toute stratégie de prise en charge des V.A.S.. Elle permet de prévoir une technique anesthésique adaptée :
- anesthésie loco-régionale avec ventilation spontanée
- ou une technique de contrôle des voies aériennes particulièr
- fibroscopie
- masque laryngé ("fast-trach")
- abord trans-trachéal
Les conditions d'intubation lors de précédentes anesthésies seront recherchées par l'interrogatoire, de même que des pathologies ou antécédents pouvant modifier l'exposition glottique :
- dysmorphie faciale
- chirurgie maxillo-faciale
- pathologie O.R.L.
- pathologie rhumatismale modifiant la mobilité du rachis cervical
- diabète favorisant une ankylose temporo-maxillaire
- sténose trachéale
Parmi les éléments prédictifs d'une intubation difficile on retiendra :
- un cou court
- une petite ouverture de bouche
- un rétrognathisme avec incisives proéminentes
- un prognathisme
- une obésité
L'examen oro-pharyngé sera pratiqué afin de déterminer la classe Mallampati du patient assez bien corrélée avec la visualisation des structures oro-pharyngés.
A : Classes de Mallampati modifiées par Samsoon.
B : vues laryngoscopiques selon la classification de Cormack et Lehane.
Figure n° 1 : Classification de Mallampati et vues laryngoscopiques correspondantes
Les examens para-cliniques ne seront prescrits qu'en dernière intention.
Le choc anaphylactique per anesthésique est la deuxième grande cause d'accidents d'anesthésies. Les curares sont les principales substances mises en cause lors de ces accidents (1 choc anaphylactique sur 2). L'incidence de l'allergie au latex ne cesse de croître, elle représente la 2ème cause de choc anaphylactique. La fréquence des accidents allergiques aux morphiniques hypnotiques anesthésiques locaux est très faible malgré une très large utilisation.
La consultation d'anesthésie va rechercher un antécédent allergique vrai mais devra aussi reconnaître les sujets à risques (terrain atopique). Cette enquête allergique permet de proposer une conduite préventive mais aussi un bilan allergologique prédictif permettant d'identifier les allergènes. Si le produit est connu il doit bien sûr être écarté du protocole anesthésique.
En cas d'urgence chez un sujet à risque, on évitera si possible les curares en optant de préférence, si la chirurgie le permet, pour une anesthésie loco-régionale. Enfin on utilisera du matériel "Latex-Free".
Malheureusement dans de nombreux cas la capacité de prédiction est limitée. L'allergie au curare pouvant survenir même en l'absence d'antécédent anesthésique (30 % des chocs anaphylactiques au curare). Ces patients se sont sensibilisés par des contacts répétés avec des produits contenant des radicaux ammoniums quaternaires (produits ménagers .....)
Quant aux latex tout signe d'intolérance, prurit, oedème de contact doit faire réaliser un bilan allergologique. L'exposition professionnelle (professions de santé ....) conduit à une prévalence d'allergie au latex estimée de 6 à 10 %. Chez les enfants atteints de spina-bifida elle est de 40 à 60 % (sondages et interventions répétées). Enfin il existe des allergies croisées (avocat, kiwi, bananes ....)
La probabilité de survenue des différentes complications péri et post opératoires est prévisible par un examen pré opératoire et définit en chirurgie réglée le risque opératoire. Elle est conditionnée, d'une part, par l'état de santé du patient et, d'autre part, par la nature de l'acte chirurgical. Connaître cette probabilité permet de définir le rapport bénéfice/risque de l'acte, ce qui peut parfois amener à reconsidérer l'indication chirurgicale. La consultation permet également d'abaisser ce niveau de risque en optimisant le traitement d'une pathologie préexistante ce qui peut amener parfois à différer l'indication chirurgicale. Enfin connaître le niveau de risque et sa nature permet de choisir la technique anesthésique et le mode de surveillance per et post anesthésique les mieux adaptés aux patients (séjour en soins intensifs ....).
a) La classification A.S.A.
est un facteur de risque retrouvé par la totalité des études épidémiologiques. Par exemple chez le bronchopathe chronique cette classification A.S.A. semble un meilleur critère prédictif que les E.F.R.
Classe |
Description |
1
|
Patient en bonne santé. Exemple : hernie inguinale chez un patient sans autre affection |
2
|
Patient présentant une atteinte modérée d'une grande fonction. Exemples : bronchite chronique, HTA modérée |
3
|
Patient présentant une atteinte sévère d'une grande fonction, limitant l'activité sans entrainer d'incapacité. Exemples : angor stable, obésité morbide. |
4
|
Patient présentant une atteinte d'une grande fonction, invalidante et mettant en jeu le pronostic vital. Exemples : angor instable, insuffisance cardiaque sévère ou insuffisance respiratoire. |
5
|
Patient moribond dont l'espérance de vie est inférieure à 24 heures, avec ou sans intervention. Exemple : rupture d'anévrisme de l'aorte avec grand état de choc. |
U
|
Si l'intervention est pratiquée en urgence, un U est ajouté à la classe ASA |
tableau 2 : Classification de l'American Society of Anesthesiologists (ASA)
b) L'âge
est un facteur également constamment retrouvé même après ajustement en fonction des pathologies associées
c) La pathologie cardio-vasculaire
- La cardiopathie ischémique est un facteur de risque cardio-vasculaire majeur, particulièrement après infarctus du myocarde surtout si celui-ci est récent.
- L'angor stable peu invalidant ou la suspicion de coronaropathie ischémique sont des situations complexes pour lesquels des recommandations pour l'évaluation pré opératoire ont été récemment établies par des sociétés savantes. On tiendra compte du type de chirurgie et d'indicateurs cliniques classés en majeurs intermédiaires ou mineurs.
- L'insuffisance cardiaque est un risque majeur, c'est également un facteur de risque de complication respiratoire ainsi que d'insuffisance rénale post opératoire.
- L'H.T.A.
Indicateurs cliniques majeurs |
Indicateurs cliniques intermédiares |
Indicateurs cliniques mineurs |
|
|
|
tableau 3 (A.H.A.) Indicateur clinique du risque cardio-vasculaire
d) La B.P.C.O.
est un facteur de risque de morbidité respiratoire péri opératoire majeur d'autant plus qu'elle est sécrétante
e) Le tabagisme
par le biais de complication respiratoire ou cardio-vasculaire
f) Une exogènose
g) Le diabète
par le biais de pathologies associées particulièrement lorsqu'il existe une dysautonomie à rechercher en pré opératoire
h) L'obésité
curieusement les études américaines ne l'identifie pas comme un facteur de risque particulier, là encore elle expose cependant à des pathologies associées (H.T.A. ....) et surtout elle pose de nombreux problèmes techniques qui méritent d'être prévus à l'avance :
- intubation
- ventilation
- abord veineux etc....
Au terme de la consultation pré anesthésique, un protocole adapté sera élaboré avec l'accord du patient notamment en ce qui concerne le choix de la technique (A.G. ou A.L.R. par exemple).
La gestion des risques hémorragiques fera l'objet d'un soin tout particulier, il commencera par l'estimation du saignement péri opératoire en fonction du type de chirurgie, basé sur l'expérience de l'anesthésiste. L'anesthésiste décidera d'un seuil transfusionnel adapté à l'état du patient et en connaissant son hématocrite ou pourra déterminer un saignement maximum envisageable sans recours à la transfusion.
Il existe différentes formules, par exemple la formule de Mercuriali :
saignement tolérable en ml du GR = V.S.T. x (Hte initiale [à J-1]- Hte finale [à J+5])
Si le saignement péri opératoire prévu est supérieur à ce chiffre on aura recours à différents procédés transfusionnel :
- transfusion autologue programmée
- récupération du sang épanché dans le champ chirurgical
- injection d'érythropoïétine
- transfusion homologue
L'information est un devoir de tout médecin envers son patient. La jurisprudence en fait désormais une obligation légale. Ceci dit il peut être difficile de délivrer une information exhaustive sur tous les risques adaptés à chaque patient.
Il convient de s'intéresser à deux types de risques : les risques d'incidents fréquents même bénins (nausées, irritation trachéale post intubation, frisson au réveil, etc. .....), mais également à des risques rares mais d'une gravité particulière, ce d'autant plus que l'acte chirurgical et l'anesthésie qui l'accompagne comportent habituellement un risque faible.
Enfin il faut bien évaluer le rapport bénéfice / risque surtout en cas de chirurgie fonctionnelle ou esthétique ......
Il importe que le patient sache que le risque "0" n'existe pas.
L'information ne doit pas se limiter au risque opératoire mais donner une idée précise du déroulement de l'anesthésie et des modalités de l'analgésie post-opératoire. Le patient devra être informé de l'éventualité et des modalités d'une transfusion sanguine.
La meilleurs manière de donner cette information est encore le sujet de controverse : orale, écrite, contre signée par le patient ? Il existe des documents rédigés par des sociétés savantes, ceux de la S.F.A.R. sont d'un usage courant .....
Celui-ci peut-être impliqué dans l'évaluation de son patient. Il est d'une aide irremplaçable pour préciser les antécédents du patient et les traitements en cours. Il peut prescrire des examens complémentaires ou des examens spécialisés chez une patient pourtant stabilisé mais chez qui l'intervention présente un risque de décompensation (exemple du coronarien ....). Certains traitements habituels pourront être interrompus (anti-agrégants, AVK, IEC .....) et / ou relayés par d'autres médicaments. Un bronchiteux sécrétant sera traité avant une intervention non urgente ..... Cette liste n'est, bien sûr, pas exhaustive.
Le médecin traitant pourra avoir à reconnaître et à prendre en charge certains effets secondaires de l'anesthésie (céphalées post anesthésie passées inaperçues etc. ....) Dans le cadre de la chirurgie ambulatoire il peut être aussi un acteur important des soins post opératoires en cas de douleurs persistantes ou de besoin de soins locaux. Enfin il saura se méfier d'une possible décompensation post opératoire d'une pathologie préexistante ( par exemple chez un cardiopathe).
En savoir plus :
Questionnaire pré-anesthésique de l'Université catholique de Louvain : http://www.md.ucl.ac.be/virtanes/chirad.html
Page perso d'un infirmier anesthésiste : http://perso.infonie.fr/frankpaillard/anesthesie_consultation.htm