LES DOULEURS NEUROGENES

FMC du 16 Novembre 1999 - Dr. SOLEILHAVOUP Anesthésiste

 I - RAPPEL : LES MECANISMES DE LA DOULEUR

 II - TABLEAU CLINIQUE

III - ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES
IV - SCHEMA THERAPEUTIQUE

V - CONCLUSION


DOULEURS POST-ZOSTERIENNES

ALGODYSTROPHIE ET SYNDROMES APPARENTES

GLOSSAIRE


 I - RAPPEL : LES MECANISMES DE LA DOULEUR

 II - TABLEAU CLINIQUE

1 - SEMIOLOGIE

a) - les circonstances d'apparition

  b) - délai d'apparition

  c) - la topographie

* oriente d'emblée vers une atteinte neurologique : la douleur survient dans un territoire systématisé (tronc nerveux, racine, plexus ....) correspondant plus ou moins totalement au champ d'innervation sensitif de la structure nerveuse lésée.

* par exemple :

d) - les symptômes

Cortège de sensations anormales et de sensations douloureuses

* les sensations anormales non douloureuses, spontanées ou provoquées
** les douleurs spontanées
*** les douleurs provoquées lorsque la perte de sensibilité est partielle une hyperesthésie complète le tableau :

 2 - EXAMEN CLINIQUE

Le tableau clinique est habituellement dominé par des phénomènes "négatifs" résultant d'une perte de fonction : déficit moteur, sensitif, cognitif ...

a) - l'examen neurologique

b) - l'observation

ou la description par le patient de manœuvres de soulagement spontané comme la palpation profonde, le frottement rapide de la zone douloureuse, renseignent sur l'efficacité potentielle des techniques de neuro-stimulation.

c) - l'examen physique

ne retrouve classiquement aucune lésion macroscopique mais des troubles trophiques d'origine sympathique sont parfaitement possibles, plus particulièrement dans le cadre des causalgies : œdème, phénomènes de dysautonomie, atteinte des phanères

III - ASPECTS PHYSIOPATHOLOGIQUES

a) - organisation physiologique normale

* Dès l'étage médullaire il existe des systèmes de contrôle capables de filtrer et d'extraire le message douloureux du bruit de fond somesthésique (CIDN, Le Bars et coll.). Schématiquement, à l'état d'équilibre (sans douleur) l'information conduite par les fibres nociceptives est contrebalancée par l'information transmise par les fibres myélinisés : contrôle spinal = contrôle de la porte médullaire (gate control).

 fibres nociceptives = information (+)système excitateur

fibres tactiles = contre information (-) système inhibiteur

* L'existence d'un contrôle supra-spinal exerçant un effet inhibiteur sur le relais médullaire des voies nociceptives est maintenant bien établi. La sérotonine et la noradrénaline jouent un rôle prépondérant dans la pharmacologie de ces contrôles (d'où l'intérêt des inhibiteurs du recaptage des monamines : antidépresseurs, tramadol).

b) - principaux mécanismes physiopathologiques

* modifications périphériques

au niveau du nerf lésé, plaques de démyélinisation, bourgeons de régénération axonale s'accompagnent d'un abaissement du seuil de réponse des fibres sensitives avec production de décharges ectopiques spontanées ou provoquées (pression, ischémie, froid, noradrénaline ....). Ces activités ectopiques sont expliquées par des remaniements histologiques :
 * modifications spinales

 IV - SCHEMA THERAPEUTIQUE

 La multiplicité des mécanismes physiologiques que nous venons d'évoquer rend peu probable la mise au point d'un traitement "universel" des douleurs neurogènes. Il est vraisemblable que chaque symptôme (douleurs spontanées, allodynie, hyperalgésie) dépend de mécanismes distincts et puisse donc bénéficier d'un traitement spécifique.

L'inefficacité des antalgiques usuels, y compris des opiacés, mérite presque de participer à la définition des douleurs neurogènes.

1 - les objectifs thérapeutiques

2 - les médicaments

LES ANTIDEPRESSEURS

* découverte de façon totalement fortuite (Paoli et coll 1960), l'efficacité des antidépresseurs est bien établie aujourd'hui : cette activité antalgique est indépendante de l'humeur, de l'âge, de la durée de la névralgie et de sa localisation. Elle se manifeste à des taux plasmatiques inférieurs à ceux de l'action thymo-analeptique.

* les antidépresseurs agissent sur tous les types de douleurs : aiguës, sourdes, à type de brûlures, lancinantes et même l'allodynie. Les inhibiteurs mixtes de la recapture sérotonine / adrénaline semblent les plus efficaces mais certains auteurs distinguent des patients répondeurs aux inhibiteurs sélectifs de la noradrénaline et d'autres aux inhibiteurs de la sérotonine.

* plusieurs molécules ont fait la preuve de leur efficacité sur la base d'études contrôlées : IMIPRAMINE (TOFRANIL 10 / 25) CLOMIPRAMINE (ANAFRANIL 10 / 25 /75) AMITRIPTYLINE (LAROXYL sol. Buvable 25 / 50) DESIPRAMINE (PERTOFRAN 25) PAROXETINE (DEROXAT) VENLAFAXINE (EFFEXOR 25/50)

* il faut commencer à doses faibles et augmenter progressivement par paliers de 5 à 7 jours ce qui permet :

* le délai d'apparition de l'effet antalgique est globalement plus court que celui de l'activité anti-dépressive, et se renforce progressivement. La 1/2 vie prolongée de ces produits et leurs effets sédatifs fréquents autorisent une seule prise quotidienne au coucher

* le TRAMADOL (TOPALGIC) représente une alternative thérapeutique chez les patients pour qui les antidépresseurs sont contre-indiqués. Cette molécule originale (mélange racémique de 2 isomères + et - ) combine une faible affinité pour les récepteurs opioïdes mu avec une inhibition du recaptage synaptique de la sérotonine et de la noradrénaline. Globalement, l'efficacité antalgique du TRAMADOL correspond au 1/10 de la puissance de la MORPHINE ou à 75 mg de DESIPRAMINE.

Les effets secondaires habituels à type de nausées / vomissements sont peu fréquents et dose-dépendants.

LES ANTICONVULSIVANTS

 * l'efficacité remarquable des anticonvulsivants dans le traitement de la névralgie du trijumeau a conduit à évaluer leur intérêt dans le contrôle des douleurs fulgurantes et de l'allodynie.

LES ANESTHESIQUES LOCAUX

* bien documentée dans les douleurs liées aux neuropathies diabétiques et zostériennes, la LIDOCAINE intraveineuse agit en bloquant les canaux sodiques membranaires, inhibant ainsi les décharges ectopiques au site lésionnel

* en pratique, l'administration IV de LIDOCAINE (5 mg/kg en 30 à 60 mm) se conçoit comme test thérapeutique après échec des médications classiques. Certaines études font état d'une action antalgique persistant plusieurs jours, voire plusieurs semaines

* en cas de réponse positive, et après avis cardiologique chez les sujets âgés et / ou aux antécédents cardiaques, la MEXILETINE (MEXITIL 400 à 600 mg par jour) est administrée par voie orale

* les anesthésiques locaux peuvent également être utilisés en application locale (crème EMLA) lorsque la zone douloureuse n'est pas trop étendue

LES OPOIDES

 * plusieurs études contrôlées récentes confirment l'efficacité des opiacés dans un sous-groupe de patients dont les lésions ne s'accompagnent pas d'une raréfaction des récepteurs opioïdes spinaux

* là aussi, test thérapeutique, effets secondaires, risque de dépendance doivent être soigneusement évalués

3 - les traitements physiques

les blocs nerveux transitoires

les techniques de neurostimulation électrique

* leur efficacité repose sur leur action renforcatrice des contrôles inhibiteurs exercés par les fibres périphériques de gros calibre sur la transmission et l'intégration des messages nociceptifs médullaires

 la neurostimulation transcutanée (NSTC)

 

 la neurostimulation centrale

 

- neurostimulation médullaire

après test initial réalisé par voie péridurale percutanée, l'implantation définitive des électrodes sera effectuée par laminectomie vertébrale pour fixer l'électrode sur la dure-mère afin d'éviter le risque d'un déplacement secondaire (meilleures indications : douleurs d'amputations, fibroses avec sciatalgies post hernie discale)

- neurostimulation thalamique

nécessite une implantation stéréotaxique de l'électrode au niveau des noyaux VPL ou médian du thalamus

4 - la réadaptation fonctionnelle

* par la réafférentation proprioceptive qu'il permet, le mouvement (et à fortiori le massage) accroît les contrôles inhibiteurs induits par l'activation des fibres de gros calibre impliquées dans la kinésithérapie

* en plus de l'action antalgique, les exercices de rééducation permettent au patient de corriger les attitudes vicieuses, d'éviter les contractures et de commencer à retrouver des capacités physiques réduites du fait de l'immobilisation prolongée.

 5 - le soutien psychologique

 * le contexte psychologique de ces patients, rendus anxieux voire dépressifs par la douleur persistante, implique une écoute attentive et un recours fréquent au psychothérapeute (réassurance sur l'explication du phénomène douloureux / ses causes / ses facteurs d'entretien, conflits familiaux / professionnels)

* dans les cas où le patient tire d'importants bénéfices secondaires matériels (pension / rente d'assurance) ou psychologiques (évitement des situations conflictuelles familiales sociales) le résultat thérapeutique est très difficile à obtenir quelque soient les traitements proposés.

V - CONCLUSION

A l'évidence, les douleurs neurogènes sont souvent difficiles à traiter, surtout si elles sont prises en compte tardivement ou si elles sont symptomatiques d'une maladie évolutive (diabète, vascularites, envahissement tumoral) : l'évolution sur plusieurs mois voir années n'est pas rare, il s'agit là de DOULEUR CHRONIQUE, ce qui nous renvoie à un cadre nosologique bien particulier.


DOULEURS POST-ZOSTERIENNES

- traitement anti-viral précoce : ACYCLOVIR (ZOVIRAX 4 g/jour pendant 8 jours) / VALACYCLOVIR (ZELITREX 3g/jour pendant 7 jours)

- traitement local favorisant la cicatrisation rapide (ASPIRINE diluée dans de l'éther en applications locales, antiseptiques)

- corticoïdes par voie générale sont suspectés de favoriser la dissémination du zona

- l'infiltration de l'espace épidural correspondant au territoire des nerfs concernés (+/- avec corticoïdes)

- en 1ère intention :

- en 2ème intention :

ALGODYSTROPHIE ET SYNDROMES APPARENTES

* Regroupés sous le terme "syndromes douloureux régionaux complexes" (SDRC), les algodystrophies sont plus fréquentes à l'âge moyen et intéressent surtout les membres (mais aussi le rachis, les articulations temporo-mandibulaire ou sterno-claviculaire ....)

* Les facteurs déclenchants : traumatisme, chirurgie, radiothérapie, voire stress majeur sans atteinte somatique. Cette agression physique et émotionnelle provoque une hyperactivité loco-régionale du système sympathique qui va majorer et auto-entretenir le processus initial. On observe une augmentation du nombre des récepteurs adrénergiques tissulaires avec phénomènes de sensibilisation des neurones convergents de la corne postérieure.

* La douleur est profonde et constrictive, elle irradie au delà d'un territoire neurologique somatique et peut intéresser l'ensemble d'un segment de membre. Plus de la moitié des patients ont des douleurs spontanées, permanentes et insomniantes.

* Tous les patients décrivent un "gonflement", conséquence des troubles vasomoteurs et d'une altération de la micro-circulation. Les dysesthésies à type d'engourdissement ne correspondent pas à une systématisation neurologique, l'examen de la sensibilité ne montre pas d'anomalie sérieuse (à l'inverse de la causalgie). Raideur articulaire et réduction de l'amplitude des mouvements sont à peu près constants, et participent autant que la douleur au handicap fonctionnel.

* Une vasodilatation cutanée prédomine en général à la phase précoce (troubles sudoraux fréquents), une vasoconstriction plus tardivement. Vasoconstriction et vasodilatation peuvent alterner pendant une phase intermédiaire parfois très prolongée. Les troubles vasomoteurs ont une tendance à l'extension distale. La régression habituelle de ces troubles sous bloc sympathique constitue une des principales justifications à l'utilisation thérapeutique de ces blocs.

* Les traitements classiquement proposés : infiltrations articulaires de corticoïdes, AINS, analgésiques périphériques ou centraux faibles, voire morphine orale, n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.

* La diminution précoce de l'activité sympathique efférente améliore la douleur, les troubles vaso et sudo-moteurs, l'oedème et la mobilité : blocs sympathoplégiques IV, infiltrations péridurales.

* La rééducation fonctionnelle constitue le volet le plus important : elle doit être entreprise dès que la douleur le permet.

* Les traitements adjuvants : CALCITONINE doit être proposée à la phase précoce, les résultats sont inconstants et les effets secondaires fréquents. Les antidépresseurs améliorent l'efficacité des contrôles inhibiteurs et diminuent l'angoisse.


GLOSSAIRE

 Allodynie :
Douleur causée par un stimulus qui normalement ne produit pas de douleur.
Analgésie :
Absence de douleur en réponse à une stimulation qui normalement aurait été douloureuse.
Anesthésie douloureuse :
Douleur ressentie dans une zone ou une région d'anesthésie.
Causalgie :
Syndrome combinant une douleur continue à type de brûlure, une allodynie et une hyperpathie après une lésion nerveuse traumatique, souvent associé à un dysfonctionnement vasomoteur, sudoral et ultérieurement à des troubles trophiques.
Dysesthésie :
Sensation anormale et désagréable, qui peut-être spontanée ou provoquée.
Hyperalgésie :
Réponse exagérée à une stimulation qui normalement est douloureuse.
Hyperesthésie :
Sensation exagérée à une stimulation, à l'exception des systèmes sensoriels spécifiques.
Hyperpathie :
Syndrome douloureux caractérisé par une réponse exagérée à un stimulus, qui est répétitif et aussi dont le seuil est augmenté.
Hypoalgésie :
Diminution de la douleur évoquée par un stimulus normalement douloureux.
Hypoesthésie :
Diminution de la sensibilité à une stimulation, exception faite des systèmes sensoriels spécifiques.
Paresthésie :
Sensation anormale, qui peut être spontanée ou provoquée.