Opiacés et douleurs

FMC du 21 Mars 2000 par le Docteur SOLEIHAVOUP Anesthésiste - Clinique de Malestroit

Plan de l'exposé :

MECANISME D'ACTION

PHARMACOCINÉTIQUE

EFFETS SECONDAIRES

UTILISATION THÉRAPEUTIQUE EN CANCÉROLOGIE

CAS CLINIQUE N° 1 :

CAS CLINIQUE N° 2 :


MÉCANISME D'ACTION

I - RÉCEPTEURS

II - LIGANDS

Ces récepteurs sont normalement stimulés par des peptides opioïdes endogènes = endomorphines.
Ces peptides, au nombre d'une vingtaine, se répartissent en 3 familles issues de 3 précurseurs :

III - MÉCANISME CELLULAIRE

IV - LOCALISATION DES RÉCEPTEURS

La localisation des récepteurs permet de distinguer deux sites d'action principaux (et un site accessoire)

PHARMACOCINÉTIQUE

I - ABSORPTION

Malgré une résorption importante et rapide (essentiellement au niveau du grêle car l'acidité gastrique s'oppose à une absorption satisfaisante et stable des analogues opiacés).
La fraction biodisponible (ie, qui atteint la circulation générale) est faible, soit environ 30 % de la dose administrée, à cause de l'effet "premier passage" hépatique.

II - MÉTABOLISME

Les microsomes hépatiques ont un rôle majeur et la clairance dépend du flux sanguin hépatique. L'intestin, le rein voir le cerveau sont capables de contribuer au métabolisme de la morphine.
Divers mécanismes traduisent un métabolisme intense et complexe :
Le dérivé M3G, faiblement actif, est quantitativement le principale métabolite. Le dérivé M6G a une action analgésique supérieure à la morphine (x13). Sa présence explique l'augmentation d'efficacité des doses orales répétées et l'apparition d'une dépression respiratoire prolongée en cas d'insuffisance rénale (longe ½ vie élimination).

III - ÉLIMINATION

Elle se fait par filtration glomérulaire et excrétion tubulaire sous forme essentiellement glucuro-conjuguée.

EFFETS SECONDAIRES

Ils sont, pour l'instant, indissociables de l'analgésie.

I -  EFFETS DIGESTIFS / EFFETS SUR LES FIBRES MUSCULAIRES LISSES

II - EFFETS CENTRAUX

III - EFFETS RESPIRATOIRES

IV - EFFETS CARDIO-VASCULAIRES

I -  EFFETS DIGESTIFS / EFFETS SUR LES FIBRES MUSCULAIRES LISSES

D'une manière générale, les morphiniques provoquent un relâchement des fibres longitudinales et une hypertonie des fibres circulaires et des sphincters.

ànausées / vomissements

- Concernent au moins la moitié des patients et sont provoqués par  deux mécanismes "complémentaires"
-  Habituellement, une tolérance s'installe après une période d'environ une semaine. Il est prudent, toutefois, d'utiliser les antiémétiques pour éviter un rejet du médicament :

àconstipation

àaction sur l'appareil urinaire

-  Augmentation des tonus des fibres circulaires du sphincter vésical et diminution de l'activité des fibres longitudinales de la paroi vésicale peuvent conduire à une rétention aiguë d'urines chez les sujets prédisposés (en cas HBP par ex.)

II - EFFETS CENTRAUX

àsomnolence

àactions psychomotrices

* Attention ! une modification brutale du comportement et/ou des fonctions cognitives doit faire rechercher des signes neurologiques évoquant une atteinte intracrânienne.

àtolérance, dépendance physique et assuétude 

- la tolérance (= accoutumance) correspond à la nécessité d'augmenter progressivement la posologie pour maintenir l'effet antalgique recherché (déplacement vers la droite de la courbe dose-réponse). Elle s'observe également pour certains effets indésirables (somnolence, nausées, vomissements, dépression respiratoire) qui s'atténuent mais pas pour le constipation. En pratique, il est souvent difficile de distinguer l'accoutumance véritable du renforcement des processus douloureux (nous ne sommes pas dans les circonstances d'une auto-administration sans support douloureux).

- la dépendance correspond à deux phénomènes différents
- La compréhension des mécanismes neurobiologiques à l'origine de ces phénomènes a bénéficié de progrès récents.

III - EFFETS RESPIRATOIRES

àdépression respiratoire

* Liée à la dépression des centres bulbaires qui se traduit par :

* Cliniquement, la survenue d'une dépression respiratoire s'accompagne toujours d'autres signes de dépression du SNC (somnolence ++) car la douleur est la plus féroce antidote de la morphine, y compris en cas de pathologie respiratoire associée. L'administration orale et la titration des doses minorent considérablement le risque : elle ne s'observe quasiment jamais si le traitement est bien conduit.

àdépression de la toux

IV - EFFETS CARDIO-VASCULAIRES

 

UTILISATION THÉRAPEUTIQUE EN CANCÉROLOGIE

I - 1ère ÉTAPE : PERTINENCE DU DIAGNOSTIC

II - 2ème ÉTAPE : ÉVALUER L'INTENSITÉ DE LA DOULEUR

III - 3ème ÉTAPE : RESPECTER LES RÈGLES THÉRAPEUTIQUES

L'adage de Robert G. Twycross est un moyen mémo-technique simple : "by the mouth, by the clock, by the ladder".

IV - 4ème ÉTAPE : MODALITÉS PRATIQUES

La stratégie thérapeutique

àdébuter le traitement chez un patient naïf à la morphine

àDébuter le traitement chez un patient déjà traité par de la morphine par voie parentérale

àLes alternatives au traitement

* Dans environ 15 % des cas, la morphine ne permet pas d'obtenir un contrôle antalgique satisfaisant en raison :

àIl faut utiliser un autre opioïde : cette notion de rotation des opioïdes est née de l'observation clinique et s'appuie sur un rapport bénéfice / effets indésirables différent pour chaque principe actif (pas de tolérance croisée complète entre les différentes molécules). Une des hypothèses pharmacologiques fait jouer un rôle à l'accumulation de morphine - 6 - glucuronide (M6G).

On connaît actuellement 8 sous-types de récepteurs mu, la stimulation de chacun de ces sous-types entraîne des effets physiologiques différents en terme d'analgésie et d'effets secondaires. Les métabolites des différents opioïdes vont ainsi agir de façon distincte sur ces différents sous-types de récepteurs, modifiant l'incidence des effets secondaires.

* Le patch de Fentanyl (DUROGESIC®) se caractérise par une inertie importante (accumulation sur la peau). Il faut attendre 8 à 12 heures après la mise en place du premier patch pour voir un effet clinique se manifester, puis les taux sanguins restent à peu près stables avec des effets secondaires assez faciles à contrôler.

L'acceptation est bonne, toutefois le produit est plus adapté au traitement d'une douleur chronique / aiguë persistante : les accès douloureux doivent être contrôlables par les co-analgésiques
(ex. : AINS pour les douleurs osseuses, antidépresseurs / anti-épileptiques pour les douleurs neurogènes, flash radiothérapique sur les métastases, corticoïdes ....).

60 mg de morphine / 24 heure équivaut à 25µg /h de Durogésic

* L'hydromorphone (SOPHIDONE LP®) présente un profil pharmacocinétique comparable à la morphine LP : pic plasmatique vers 4 heures et décroissance des concentrations plasmatiques lentes maintenant un taux thérapeutique sur 12 heures. Son affinité pour les récepteurs mu est plus grande que la morphine et sa puissance analgésique 7.5 fois supérieure. La tolérance est comparable avec, semble t-il, un effet moins puissant sur la constipation

sulfate de morphine LP
SOPHIDONE LP®
30 mg
4 mg
60 mg
8 mg
120 mg
16 mg
180 mg  
24 mg

 


AVERTISSEMENT :

NB : les réponses aux questions des cas cliniques ne sont pas univoques, elles correspondent à l'attitude qui a été adoptée dans la réalité et elles doivent être interprétées comme une des réponses possibles plus que comme la seule réponse possible. Pour voir les réponses, il suffit de sélectionner les zones bleu marine avec la souris : le texte apparaît alors en blanc sur fond bleu.


CAS CLINIQUE N° 1 :

Madame Y., 41 ans, 60 kg, 1 m 60

à Consultation du 15 février

 

- Demande de scanner abdomino-pelvien et consultation pour avis auprès de l'équipe hospitalière qui l'avait prise en charge.
- Association d'un traitement antalgique, anti-épileptique ex. : antalgique de classe II DAFALGAN CODÉINE 3 par jour, RIVOTRIL 5 gouttes le soir.

Sélectionner les cadres bleus avec la souris pour voir les réponses

à Consultation du 20 février en milieu hospitalier

à Consultation du 1er mars

- Majoration des douleurs avec accès paroxystiques.
à Quelles sont les modalités stratégiques ?Quels sont les effets indésirables à venir ?

Palier III sulfat morphine LP 30 x 2 + poursuite du RIVOTRIL.

à En cours de traitement

une échographie abdominale d'évaluation retrouve une urétéro-hydronéphrose droite par compression urétérale sans insuffisance rénale.

Il existe un fond douloureux résiduel (EVA à 40)

à Quel traitement coantalgique préconisez-vous ?
Corticoïdes en traitement d'attaque (2 mg/kg) . ex. : SOLUPRED 60 mg matin et midi.

à Consultation du 22 mars

à Quelle est la nouvelle posologie prescrite ?

augmentation des doses par palier de 50 % soit 60 mg x 2
ou interdoses 10 mg toutes les 4 heures avec les mobilisations
ex. : 30 + 10 + 10 le matin ; 30 + 10 + 10 le soir.

à Enfin la survenue de cette pneumopathie provoque une réaction agressive

de Me YASMINA vis à vis du personnel soignant avec "ras le bol".

 

àQuelle attitude adopter avec la patiente ?

Soutient psychologique et prise en charge par l'équipe de la "structure douleur et soins continus" au sein du service d'oncologie : consultation avec le psychiatre et optimisation du traitement anti-douleur
160 mg de morphine LP par jour
160 mg de corticoïdes oral
RIVOTRIL 5 gouttes
LAROXYL 25 mg
+ 6 cures de chimiothérapie + flash radiothérapique

àEnviron 6 mois de réanimation à domicile puis décès au bout d'1 an, métastases pulmonaires.


CAS CLINIQUE N° 2 :

Monsieur Edouard, 73 ans.

à Suivi pour cancer de la prostate

à Consultation du 07 avril

- Réadaptation du traitement de fond avec augmentation des posologies
            - 150 puis 180 puis 210 mg x 2
            - 240 mg le matin et 210 mg le soir
            - 270 mg le matin et 210 mg le soir
            + traitement de la constipation.

(pour voir la réponse : sélectionner le cadre bleu avec la souris)

à Consultation du 4 mai

à Que proposez-vous ?
- Une consultation au centre anti-douleur où la thérapeutique est confirmée.
- Les doses sont augmentées en quelques semaines à 460 mg le matin et 400 mg le soir.

à Consultation du 4 juin

à Quel diagnostic évoquez-vous ?

- Un début d'intolérance aux opioïdes.

à Comment réadaptez-vous le traitement antalgique ?

- On propose donc à Monsieur EDOUARD :
            * relais par patch FENTANYL trans-dermique 100 g pendant 3 jours

            * HALDOL faible V gouttes matin, midi et soir

à stabilisation en 9 jours avec 175 g de DUROGESIC
- EVA à 20 mm.

à Consultation du 15 septembre

- Site d'injection réservoir morphine + KT intra-thécal tunnelisé.
Posologie : quelques mg par jour.

à Retour à domicile avec :

à Enfin le 20 octobre, la demande analgésique baisse nettement.

à Peut-on envisager une modification du traitement ?
- Sevrage progressif de la morphine
- Passage à la un antalgique classe II type CODÉINE + PARACÉTAMOL

à Un mois plus tard

le patient ne souffre plus mais sa cachexie évolue et le décès surviendra au bout de 3 mois sans récidive douloureuse.