CAT devant
un trouble mnésique du sujet agé
FMC du
20 avril 2004 : Dr Christian Le Provost Gérontologue au CH Bretagne Atlantique
- Vannes
QUELQUES
GENERALITES
Etude
PAQUID :
Sur 1500
sujets normaux > 65 ans, vivant à domicile suivis sur 2 et 4 ans
:
- pas
de plainte de mémoire, performances normales : RR de démence
: 1
- pas
de plainte mnésique, performances basses : RR : 1,6
- plainte
mnésique, performances normales : RR : 3,3
- plainte
mnésique, performances basses : RR : 6,1
Cette
étude conclut que la plainte mnésique est prédictive
de la démence. Elle ne doit donc pas être banalisée,
mais entendue et analysée.
Processus
de mémorisation
- Pour
mémoriser il faut des informations (un message), une attention et une
motivation suffisantes .
- Les étapes
du processus :
- L’ENCODAGE
: c’est la saisie et la mise en mémoire de l’information.
Perturbé en cas de troubles attentionnels (dépression, confusion,
médicaments)
- LA
CONSOLIDATION (STOCKAGE) : c’est la confirmation de l’information
avec deux éléments déterminants : la répétition
( d’où l’importance du rappel dans les tests) et la
charge émotionnelle. Perturbée en cas de lésions
du circuit de Papez et notamment de l’hippocampe (Alzheimer, Korsakoff)
- LA
RECUPERATION . Perturbée en cas de dysfonctionnement exécutif
(Dépression, DFT et sous corticale).
CINQ
QUESTIONS DETERMINANTES DEVANT UNE PLAINTE MNESIQUE
- 1- La
plainte est-elle objective ou subjective ( y a-t-il ou non un déficit
mnésique)?
- 2- Si
oui, est-il associé à d’autres troubles (comportemental
ou cognitif)?
- 3- Quel
en est le mode d’installation : brutal ou progressif ?
- 4- Quels
sont les antécédents et le traitement habituel ?
- 5- Y
a-t-il une répercussion dans la vie courante ?
Il
FAUDRA DONC ANALYSER :
- 1- La
plainte mnésique :
- Sa
spontanéité, à la recherche d’une
anosognosie, d’où l’importance d’un tiers (aidant
informel ou soignant) à la consultation, permettant de confirmer
ou corriger les données de l’interrogatoire du patient.
- Son
mode de début brutal ou progressif : UNE DEMENCE
DEGENERATIVE NE DEBUTE PAS BRUTALEMENT.
- Son
mode évolutif, toujours en comparant par rapport
à l’entourage.
La
plainte banale |
La
plainte suspecte |
- J’ai
du mal à me rappeler des numéros de téléphone
- Je
pose mes affaires (lunettes, clefs…) et j’oublie où
je les ai mises
- J’ai
besoin d’une liste écrite pour faire mes courses
- J’oublie
en cours de route des courses que j’avais prévu de faire
- J’oublie
aussitôt le nom des gens que l’on me présente
|
- J’ai
du mal à fixer mon attention sur ce que je lis
- J’ai
besoin de me faire répéter plusieurs fois des consignes
- J’oublie
aussitôt ce que les gens me disent
- Je
perds le fil de mes idées quand je parle avec quelqu’un
- J’ai
du mal à raconter une émission que je viens de voir à
la TV
- J’ai
souvent l’impression d’avoir la tête vide
|
- 2-
l’existence de troubles associés, notamment psychologiques
et comportementaux
- Ils
peuvent en effet être un signe d’alerte pour le diagnostic
précoce :
- Troubles
cognitifs : manque du mot, désorientation temporelle…
- Rupture
par rapport au mode de vie habituel
- Changement
de caractère, irritabilité, agressivité
- Sémiologie
dépressive (tristesse, perte de l’élan vital,
ralentissement, troubles du sommeil à prédominance matinale,
inappétence et amaigrissement) surtout si elle résiste
à un traitement antidépresseur bien conduit
- Anxiété
à prédominance vespérale
- Apathie
avec perte d’initiative motrice, d’intérêt
intellectuel, émoussement affectif sans tristesse morale
- Idées
délirantes (vol, jalousie, hallucinations surtout visuelles)
sans antécédent psychiatrique
- Troubles
des fonctions élémentaires : sommeil, appétit,
sexualité
- 3-
Les antécédents :
- Familiaux
: Alzheimer, Parkinson, Pathologies vasculaires
- Personnels
: AVC et facteurs de risque vasculaires (HTA, diabète, fibrillation
auriculaire). Syndrome confusionnel notamment iatrogène ou post
opératoire. Conduites addictives (alcool).
- 4- Le
traitement habituel : à la recherche des anticholinergiques
(antidépresseurs tricycliques, neuroleptiques, antiparkinsoniens, antihistaminiques)
surtout cachés (Mépronizine*, Théralène*), de
la prise de sédatifs (analgésiques, hypnotiques, anxiolytiques).
- 5- L’existence
ou non de troubles sensoriels (auditifs , visuels) : demander
d’apporter les lunettes à la consultation
- 6- Les
conséquences sur les actes de la vie quotidienne : ce
qui doit attirer l’attention, c’est la cessation inexpliquée
d’une activité, qu’elle soit de loisirs (changement incessant
de partenaires à la belotte, aux échecs…) ou professionnelle
pour les moins de 65 ans.
- 7- La
mémoire biographique :
-
- le niveau socio-culturel :échelle de Barbizet :
-
NC1= illettré
- NC2=
sait lire, écrire, compter
- NC3=
niveau de fin d’études primaires
- NC4=
niveau BEPC ou CAP
- NC5=
niveau classe terminale ou pour les métiers manuels niveau
ouvrier ou artisan avec responsabilités techniques de gestion
- NC6=
niveau Bac ou métiers manuels hautement qualifiés
- NC7=
niveau diplôme universitaire;
- -
le statut professionnel;
-
- la vie familiale (dates de mariage, de divorce, de naissance des enfants,
nom des petits enfants…);
-
- la vie sociale…
- 8- Enfin
on terminera par un examen neurologique et général
visant à :
- Évaluer
l’état général (perte de poids), le degré
de vigilance (pour éliminer une confusion), les déficits
sensoriels et moteurs
- Apprécier
l’état cardio-vasculaire
- Rechercher
des signes neurologiques pouvant orienter le diagnostic étiologique
:
-
Signes focaux (déficits moteurs ou sensitifs, Babinski) en
faveur d’un AVC et d’une démence vasculaire
-
Syndrome extra pyramidal unilatéral ou asymétrique orientant
vers une affection sous-corticale
-
Présence de réflexes archaïques vers une DFT
-
Présence de myoclonies vers une SLA, une DFT
-
Troubles de la verticalité vers une PSP (Steele Richardson)
-
Troubles de la marche et de la posture + troubles sphinctériens
vers une Hydrocéphalie à Pression Normale
L’EVALUATION
DES FONCTIONS COGNITIVES EN CONSULTATION DE MEDECINE GENERALE
Elle repose sur quelques tests simples et rapides pouvant permettre au médecin
généraliste de détecter, derrière la plainte mnésique,
les patients présentant une forte suspicion de démence .
1-
Le MMS : 
épreuve
cognitive globale servant au diagnostic et au suivi. Le score total/30 doit
être interprété selon le niveau socio-culturel:
30 à
28 : normal ou MCI ou démence débutante
26/24 à 20 : démence légère
19 à 10 : démence modérée
< 10 : démence sévère.
Ce test
prend de la valeur quand il est < 24, car il signifie une atteinte des
fonctions intellectuelles.
2-
Les IADL de Lawton 
permettent
de juger le retentissement sur l’autonomie en interrogeant le patient
et sa famille.
L’évaluation porte sur l’utilisation du téléphone
sans aide, l’usage des transports en commun, la gestion et la prise
des médicaments, la gestion du budget et des courses. Le score est
de 0 à 4 (addition des dépendances).
Si :
- score
> 1 : suspicion de démence
- 4
items perturbés (étude Paquid) : 37, 5% des patients souffrent
déjà d’une démence et 29,4% risquent d’en
développer une dans l’année
- 3
items perturbés (étude Paquid) : 11% déments et 6,8%
pour le risque dans l’année.
3-
L’épreuve des cinq mots de Dubois :
mimosa |
fleur |
abricot |
fruit |
éléphant |
animal |
chemisette |
vêtement |
accordéon |
instrument
de musique
|
Explore
la mémoire immédiate et la mémoire de rappel. On fait
lire 5 mots qui appartiennent à 5 champs sémantiques différents
et on aide à l’encodage en donnant des indices sémantiques
pour les retenir. Il est ensuite procédé à un rappel
immédiat libre puis si besoin indicé. Une tâche interférente
est proposée pendant 3 minutes puis l’on procède à
un rappel différé libre et si besoin indicé.
Le test est normal en cas de rappel total > 8 .
L’absence de récupération de l’information en indiçage
est très fortement suspecte d’un début démentiel.
- suspicion
de démence avérée
- MMS
< ou = 24
- 5
mots < ou = 8
- IADL
> ou = 1
- suspicion
de démence débutante
- MMS
> ou = 25 ou 27
- 5
mots < ou = 8
- IADL=
0
- suspicion
de démence faible.
Refaire un bilan dans 4 à 6 mois.
- MMS
> ou = 25 ou 27
- 5
mots > 8 =
- IADL
= 0
En pratique
s’il n’en fallait que 3 : MMSE + IADL + 5 MOTS
4-Le
test de l’horloge :
Il explore
plusieurs fonctions cognitives : praxies, orientation temporo-spatiale, attention,
troubles visuo-constructifs.
Sur un cercle on demande de dessiner toutes les heures et si le patient réussit
on lui demande de tracer les aiguilles pour une heure donnée. Puis
on étudie 4 critères :
- Le
nombre 12 est ’il au sommet du cadran ?
- Les
12 chiffres sont-ils représentés?
- Y a-t-il
une stratégie pour dessiner les 4 cadrans ?
- Existe-t-il
2 aiguilles et l’heure demandée est-elle correctement dessinée
?
Si l’un
des 4 critères n’est pas rempli, cela nécessite un bilan
plus approfondi.
5-
Le set test d’Isaacs :
explore
la flexibilité mentale. Le patient doit donner en une minute au total
des noms d’animaux, de villes, de couleurs, de fruits (soit en 15 secondes
par catégorie).
Un score global < 25/40 est considéré comme pathologique.
6- Le test des similitudes :
Il juge
l’atteinte des capacités de conceptualisation qui font partie
des fonctions exécutives. On demande au patient le point commun entre
2 mots d’un même champ sémantique (chien et chat : ce sont
des animaux).
7-
L’épreuve des praxies :
- reproduction
de gestes ( praxies réflexives : anneaux, marionnettes…);
- réalisation de consignes ( praxies idéomotrices : salut militaire,
signe de croix…).
A
l’issue de cette évaluation
un avis
spécialisé sera à demander :
- si
anomalie à l’une des 4 IADL et MMS<27 (NSC>CEP) ou 25
(<CEP)
- si
variation du MMS > 2 points en un an
- si
score des 5 mots < 10 et que le patient réagit peu à l’indiçage
- si
le test de l’horloge est perturbé
- ce
en l’absence de symptomatologie dépressive qu’il faudrait
traiter à dose efficace pendant au moins 2 mois avant de refaire
les tests.
LES EXAMENS PARACLINIQUES
1-Le bilan biologique :
- En première
intention : VS, NFS, CRP, ionogramme sanguin, calcium, urée, créatinine,
glycémie, TSH
- En fonction
du contexte clinique : folates, vitamine B12, albumine, préalbumine,
bilan hépatique et pancréatique, VDRL-TPHA, VIH…
2- L’ imagerie cérébrale :
À
défaut de disposer d’une IRM et d’un radiologue formé
à la neuro-imagerie par cette technique ( qui permet une meilleure
exploration des régions hippocampiques, mais aussi de la substance
blanche ou des noyaux gris à la recherche de lésions vasculaires),
on demandera un SCANNER sans injection (sauf si on suspecte une tumeur cérébrale
justifiant alors l’injection).
PLAINTE
MNESIQUE ET DEMENCE
1- Maladie d’Alzheimer (55%) :
Le syndrome
démentiel dans la MA est défini par l’atteinte
d’au moins deux fonctions supérieures : un déficit mnésique
associé à l’altération d’une ou plusieurs
fonctions cognitives (langage, praxies, gnosies, fonctions exécutives)
générant une restriction de l’autonomie de la personne.
Quant
à l’évolution, elle se traduit par un début progressif
et un déclin cognitif continu.
2- Démence vasculaire (20%) :
Un tableau
démentiel avec fluctuance des troubles, signes neurologiques focaux,
évolution en marches d’escalier et présence d’incontinence
émotionnelle ou état dépressif majeur chez un patient
présentant des facteurs de risque vasculaire et/ou des antécédents
d’AVC, doit faire rechercher une démence vasculaire à
l’imagerie. Dans ce cas on privilégiera (si on en dispose ) l’IRM.
3- La démence à corps de Lewy (20%) :
Si on
note des hallucinations qui prédominent et précèdent
les troubles cognitifs, avec intolérance aux neuroleptiques ( contre-indiqués
dans cette pathologie) +++, qui sont associées à une fluctuance
des signes ainsi qu’à un syndrome extrapyramidal modéré,
penser à la DCL. Au début les signes cognitifs sont plutôt
une atteinte visuo-spatiale et exécutive que mnésique.
4-
La Démence Fronto Temporale (< 5%) :
Un tableau
de démence comportementale associant des troubles de type frontal,
une négligence physique, une agressivité, une anosognosie et
respectant la fonction mnésique au début, fait évoquer
une DFT et ce d’autant plus que le sujet est plus jeune.
AUTRES
CAUSES
- confusion
mentale : sera éliminée sur l ’anamnèse,
la rapidité d’évolution des troubles, la présence
de troubles de la vigilance et une cause iatrogène ou somatique aiguë.
- dépression
de survenue tardive : le diagnostic entre une démence
et une dépression comprend une analyse rigoureuse de l’anamnèse
des troubles. Il associe une épreuve thérapeutique et des tests
neuropsychologiques à l’issue de 3 mois de traitement antidépresseur
à dose efficace. Il faut en effet savoir qu’une forte majorité
des dépressions pseudo-démentielles évoluent à
terme vers une démence de type Alzheimer ou non.
- une
démence curable : hypothyroïdie, encéphalopathie
métabolique ou infectieuse, HSD…
- origine
iatrogène : sédatifs…
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